En 1956, paraissait un album qui, par son format, sa matérialité, ses choix de mise en page, particulièrement typographiques, ou son sens de l’absurde allait ouvrir la voie au renouveau de l’édition jeunesse : Les Larmes de Crocodile, d’André François publié par Robert Delpire.
Une amitié forte soude ces deux personnalités, l’un artiste, peintre, sculpteur, affichiste et l’autre éditeur d’art, en particulier de photographies, celles de Robert Franck ou d'Henri-Cartier-Bresson et qui fut ensuite l’inventeur de la collection « Photopoche » (Voir notamment le numéro de la Revue Strenae qui lui est consacré).
André François, Les Rhumes, © Robert Delpire, 2011. 10 €, EAN 9782851072566
Les Rhumes, est donc, après la réédition en 2004 des Larmes de Crocodile, un nouvel hommage à l’ami, à l’artiste, au « maître absolu du livre illustré pour enfants », tel qu'expliqué dans sa postface par Robert Delpire lui-même. Presque un inédit puisque le livre avait été publié dans le cadre d’une campagne publicitaire en 1966. Cette édition nous apparaît dès lors autant comme un inédit d’André François, qu’un témoignage poignant de son talent.
Comme pour Les Larmes de crocodile, le récit semble partir d’une blague qui se saisit d’une expression au pied de la lettre « attraper un rhume », pour lui donner, par développements, par amplification, une nouvelle dimension fictive. De même, ici, André François confère une dimension quasi scientifique à ce récit totalement farfelu.
C’est ainsi que les premières pages, sans que l’on sache où elles nous conduisent, évoquent des espèces disparues, et figurent, pèle-mêle : Le serpent thermogène, le Chienoptère ou le Mammouth, pour mieux nous présenter ensuite le Rhume, qui lui, a survécu. Pourquoi ? Et bien parce que « Depuis leur plus tendre enfance on apprend aux enfants qu’il ne faut pas attraper un Rhume » ! Mais de reconnaître tout de même plus loin, qu' « un Rhume s’attrape facilement ». Le tout est à l’avenant, enchaîné avec la spontanéité d’un carnet, d’un récit virtuose, aux peintures et à l’écriture sauvages, brutes, qui se déroule de page en page pour amuser les enfants et dont les rebondissements, de plus en plus énormes, forcent le rire par le second degré filé de bout en bout.
© éditions Robert Delpire
Et c’est certainement ce qui touche profondément dans ce petit livre : la générosité d’une blague que l’on raconte aux enfants pour les amuser, mais à ce point considérée, qu’elle se trouve mise en scène, développée et construite, pour offrir, tout simplement, un livre remarquable et mémorable.
Commentaires
J'aime tellement le graphisme et l'illustration d'André François !
AlessandraL'album que je préfère reste "Roland" (http://deslivresetmoi.wordpress.com...)
J'ai eu récemment entre les mains un album de Roger Duvoisin et Louise Fatio, deux auteurs suisses du début 20e siècle : il y a quelques points en commun entre leur illustration et celle d'André François.
Avec des parcours certes différents, Roger Duvoisin et André François ont ce point commun d'être des "cartoonists". "Le Lion Heureux" a été réédité il y a quelques années par Gallimard Jeunesse.
SVDLUn régal !!
BenBonsoir Sophie,
Une nouvelle fois je me suis reposé sur votre jugement et une nouvelle fois je ne le regrette pas. J'ai eu la chance de trouver un exemplaire de 'Les Rhumes' chez le vendeur de BD à proximité de chez moi. Exquis et frustrant comme les amuse-bouches au restaurant ! Que du plaisir mais trop vite dévoré...
Le dessin de la couverture semble naïf comme un dessin d'enfant mais à y regarder de plus près on s'aperçoit que c'est faussement naïf. Les boucles du L de 'Les rhumes', les tâches autour du soleil, le graphisme autour de la lune, les reflets de l'eau...
Quant à l'humour déjanté il me fait beaucoup penser à Benoît Jacques détournant (dans tous les sens et surtout dans le registre de l'absurde) un conte (La nuit du visiteur), une comptine (Je te tiens), ou encore une manière de parler (Titi Nounours et la sousoupe au pilipili).
J'ai hâte de découvrir les "Larmes du crocodile".
PS: Une excellente exposition avait été programmée à la Maison Européenne de la Photographie sur Robert Delpire.
David Gal-Regniez